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Frédéric Krivine : « Il faudrait que notre gouvernement et nos intellectuels juifs expriment envers Israël un soutien puissant, mais conditionnel »

Lorsqu’un homme intelligent et cultivé pose des questions naïves, c’est qu’il se passe quelque chose de grave. Comme Michel Hazanavicius, je suis un juif ashkénaze, dont la famille polonaise, ukrainienne, roumaine et j’en passe a été largement massacrée par les nazis. Mais, contrairement à lui, je n’ai pas perdu la mémoire, laquelle me semble être, à titre personnel, la plus précieuse des marchandises.
Les questions posées par Michel Hazanavicius [dans une tribune au Monde, publiée le 8 août] peuvent se résumer à une seule : pourquoi les juifs français sont-ils soumis à la question concernant Israël et son gouvernement, particulièrement depuis le 7 octobre ? Rappelons le contexte : dans un conflit israélo-palestinien qui dure depuis le début du XXe siècle, le Hamas a déclenché, le 7 octobre 2023, une guerre sauvage, en commettant des crimes de guerre.
Ceux qui considèrent, comme La France insoumise, que la façon de tuer n’a aucune importance se fourvoient. Car quelle que soit la justification politique avancée par les auteurs de crimes de guerre, elle est nulle et non avenue. On arrête de parler politique à la seconde où le crime de guerre est commis, et l’on ne recommence à parler que lorsque le crime est reconnu par ses auteurs et leurs défenseurs. On en est loin.
Dans le même esprit, lorsque vous déclenchez une guerre, l’adversaire bombarde vos villes. Les bombardements israéliens des premières semaines étaient parfaitement légitimes. Aussi faire tourner presque tout de suite le compteur des victimes palestiniennes a d’abord eu un caractère indécent, voire carrément malhonnête.
Mais les semaines et les mois ont passé, et il est apparu de plus en plus nettement que le gouvernement israélien allait continuer à faire marcher la machine à tuer ou à affamer des civils, tandis que son objectif politique ou militaire semblait de moins en moins lisible. Cette situation a perduré presque benoîtement pendant des mois, devenant moralement intolérable. Le pic de la situation a été atteint lorsque Israël a assassiné le chef négociateur, côté Hamas, Ismaïl Haniyeh, de la négociation qu’Israël disait vouloir mener.
Cette faillite politique israélienne devrait être désignée et dénoncée par n’importe quel intellectuel digne de ce nom − comme elle l’est, d’ailleurs, par un certain nombre de militaires et de politiques israéliens. Mais la majorité des juifs français médiatiques se sont en gros contentés de désigner les saillies démagogiques et irresponsables de la joyeuse bande Jean-Luc Mélenchon, Rima Hassan, Aymeric Caron, Danièle Obono, comme s’il s’agissait d’un problème de politique intérieure, au lieu de se concentrer sur les causes profondes du drame du 7 octobre et surtout sur une recherche de solutions politiques concrètes à moyen ou long terme. Il est évidemment plus facile de répéter compulsivement que le Hamas est une organisation terroriste plutôt que de se demander s’il est possible de trouver une solution politique au conflit israélo-palestinien sans lui (la réponse est non).
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